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Article #1 - 16.09.2025

Bien-être et santé équine en constante évolution.

Bien-être et santé équine en constante évolution.

 

Évolution des pratiques en matière de bien-être et de santé équine : comparaison entre les années 1980/1990 et les pratiques actuelles

Introduction

Au cours des quatre dernières décennies, la conception du bien-être équin a connu une transformation profonde, portée à la fois par les avancées scientifiques, les progrès de la médecine vétérinaire et l’évolution des mentalités dans les milieux équestres. Alors que dans les années 1980/1990, la gestion du cheval reposait principalement sur une approche utilitariste et empirique, les connaissances actuelles permettent une prise en charge globale et préventive de l’animal.
Cette évolution s’est traduite par la démocratisation de soins spécialisés (dentisterie, ostéopathie, podologie), par une amélioration de la nutrition et des conditions de vie, mais aussi par un changement de paradigme en matière d’éducation et d’accompagnement de la retraite.
L’objectif de cette étude est de mettre en lumière ces différences afin de montrer en quoi les pratiques modernes, loin d’être de simples innovations de confort, reposent sur une meilleure compréhension des besoins physiologiques et comportementaux du cheval.


I. La spécialisation des soins équins : de la réaction à la prévention

1. La dentisterie équine

Dans les années 80/90, l’entretien dentaire était rarement pratiqué de façon préventive. Or, l’usure irrégulière de la dentition du cheval — liée à l’alimentation domestique moins abrasive que l’alimentation naturelle — engendre des surdents, des douleurs buccales et des troubles digestifs. Aujourd’hui, la dentisterie équine s’est imposée comme une discipline indispensable, permettant d’optimiser la mastication, la digestibilité des fibres et le confort du cheval monté.

2. L’ostéopathie équine

Longtemps perçue comme une pratique marginale, l’ostéopathie équine est désormais reconnue par de nombreux organismes vétérinaires comme un outil complémentaire. Son efficacité dans l’amélioration de la mobilité articulaire, la récupération musculaire et la réduction de certaines boiteries fonctionnelles en fait un allié précieux. Cette approche globale s’inscrit dans une logique de prévention et de maintien de la performance, au-delà de la simple réponse à une pathologie.

3. La podologie équine

Traditionnellement, l’entretien des pieds était assuré par le maréchal-ferrant, avec pour objectif principal le ferrage. Or, la podologie équine propose une approche différente, centrée sur le respect de la physiologie du sabot et la réhabilitation du pied nu lorsque cela est possible. Le sabot, en tant qu’organe sensoriel et amortisseur, joue un rôle fondamental dans la locomotion et la vascularisation distale.
Si le ferrage reste indiqué dans certains contextes (sports de haut niveau, pathologies orthopédiques), la podologie, en réduisant les contraintes mécaniques imposées par le fer, favorise une meilleure proprioception et une fonction naturelle du pied.

4. Les thérapies complémentaires modernes

Au-delà des disciplines désormais établies, les années 2000-2020 ont vu l’essor de pratiques dites complémentaires ou alternatives. Ces approches, encore parfois débattues dans le milieu académique, visent à accompagner le cheval dans une logique de bien-être global :

  • Naturopathie équine : centrée sur l’utilisation de plantes médicinales, d’huiles essentielles ou de compléments naturels.
  • Shiatsu équin : technique manuelle d’origine japonaise, basée sur la stimulation de points énergétiques, utilisée pour améliorer la circulation et réduire le stress.
  • Massothérapie et stretching : inspirées des pratiques humaines, elles contribuent à la souplesse et à la récupération musculaire.
  • Aromathérapie et phytothérapie : intégrées avec prudence, elles complètent certains programmes de soins.

Bien qu’encore en cours d’évaluation scientifique rigoureuse, ces approches témoignent d’un intérêt croissant pour une vision holistique du cheval, où la santé physique, psychique et énergétique sont considérées comme interdépendantes.


II. L’espérance et la qualité de vie du cheval : une progression significative

L’espérance de vie des chevaux domestiques a nettement progressé depuis les années 80. Alors qu’elle était estimée autour de 20-22 ans à l’époque, elle dépasse aujourd’hui fréquemment 30 ans, avec des individus atteignant parfois 35 à 40 ans.
Cette amélioration résulte de plusieurs facteurs :

  • Nutrition : meilleure connaissance des besoins en fibres, protéines, minéraux et vitamines.
  • Suivi sanitaire : vermifugation raisonnée, prophylaxie vaccinale, soins réguliers.
  • Gestion du vieillissement : adaptation des rations, suivi dentaire et locomoteur, maintien d’une activité modérée.

Ces éléments ont permis non seulement d’augmenter la durée de vie, mais également la qualité de vie des chevaux âgés, réduisant l’incidence de nombreuses pathologies liées à l’âge.


III. Gestion et confort : adaptation des pratiques modernes

Les pratiques de gestion ont également évolué.

  • Thermorégulation et couvertures : si l’on considérait autrefois que « le cheval s’autorégule », les connaissances actuelles montrent que la thermorégulation devient défaillante avec l’âge, la maigreur ou certaines pathologies endocriniennes. L’utilisation raisonnée de couvertures constitue donc un outil de bien-être pour les individus vulnérables.
  • Travail à pied : longtemps relégué au rang d’activité secondaire, il est aujourd’hui valorisé comme un moyen d’entretenir la musculature, la proprioception et la relation homme-cheval. Plusieurs études soulignent son rôle dans la stimulation cognitive et la prévention du déclin physique chez les chevaux âgés.

IV. L’éducation et l’équitation : d’un modèle coercitif à une approche coopérative

Dans l’ancienne tradition, l’éducation équine reposait largement sur des méthodes coercitives : l’usage de la force ou de la violence était considéré comme un passage obligé pour « dresser » un jeune cheval.
Les recherches en éthologie équine ont démontré que ces méthodes génèrent du stress, altèrent l’apprentissage et nuisent à la relation homme-cheval. Les approches modernes, inspirées de l’éthologie appliquée, s’appuient sur le conditionnement opérant, la progressivité et la clarté des signaux. Elles visent à obtenir la coopération volontaire du cheval plutôt qu’une soumission contrainte.


V. La retraite : une gestion active et raisonnée

Autrefois, la mise à la retraite se résumait souvent à l’abandon au pré, sans soins spécifiques. Les conséquences étaient une fonte musculaire rapide, une dégradation de l’état corporel et une augmentation des pathologies liées au vieillissement.
Aujourd’hui, la retraite équine est pensée comme une phase de vie à part entière, nécessitant un suivi attentif :

  • adaptation de la ration,
  • soins réguliers (dentisterie, podologie, ostéopathie),
  • maintien d’une activité physique légère (marche, travail à pied),
  • gestion des interactions sociales.

Ces mesures permettent de retarder les effets du vieillissement et d’assurer au cheval une qualité de vie optimale jusqu’à un âge avancé.


VI. Anthropomorphisme et bien-être équin : trouver le juste équilibre

Si les progrès récents témoignent d’une meilleure prise en compte des besoins du cheval, il convient d’éviter l’écueil de l’anthropomorphisme. Confondre besoins équins et besoins humains peut conduire à des pratiques inadaptées : couvrir systématiquement des chevaux rustiques, limiter leurs sorties par peur du froid ou leur interdire tout effort au nom d’une fausse « protection ».
Le bien-être équin repose sur des critères objectifs : absence de faim, de douleur, de stress, liberté de mouvement et expression des comportements naturels. Le rôle du propriétaire est d’assurer ces besoins, sans extrapoler ses propres attentes humaines.


Conclusion

L’évolution des pratiques équestres depuis les années 1980/1990 illustre un véritable changement de paradigme : d’une approche utilitariste et corrective, centrée sur la performance et la discipline, on est passé à une gestion globale et préventive, fondée sur les connaissances scientifiques et le respect des besoins physiologiques et comportementaux du cheval.
La démocratisation de la dentisterie, de l’ostéopathie, de la podologie et des thérapies complémentaires, les progrès en nutrition, l’utilisation raisonnée des couvertures, la valorisation du travail à pied et la gestion active de la retraite témoignent de cette avancée.
Cette évolution ne nie pas les pratiques passées, mais s’appuie sur elles pour aller plus loin, avec les outils et savoirs actuels. Elle invite à considérer le cheval non plus comme un simple instrument de travail, mais comme un partenaire, dont le bien-être conditionne à la fois sa santé, sa longévité et la qualité de la relation avec l’homme.


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